Les raisons du succès du cinéma d'horreur
19 novembre 2022
Avant que je ne débute mes études supérieures, j’avais horreur des films d’horreur. Mais visionnage après visionnage, j’ai commencé à les apprécier pour, au final, ne regarder plus que ça pendant presque 2 ans. Pendant ce temps, mon frère en a une peur bleue et refuse catégoriquement d’en approcher un à 30 ans passés. Même éducation, expériences similaires dans notre jeunesse… alors pourquoi cette aversion d’un côté et cet amour soudain de l’autre ?
Après de longues secondes de recherches intensives, il est apparu que le plaisir, ou le dégoût, ressenti devant un film d’horreur n’a pas une origine mais des origines. Alors, déjà, mettons un terme immédiat au suspens sans doute insoutenable engendré par la question de l’intro : parce qu’on est différent. Perso j’aime le sport, lui non, il aime les fruits, pas moi… point barre, on passe à autre chose.
Cela étant dit, le point intéressant avec les films d’horreur vient du fait que la peur n’est pas censée nous être agréable. Dans l’hypothèse où je me fais agresser dans la rue à coup de surin et suis laissé pour mort, je ne devrais pas me dire « chouette, j’ai adoré, je vais le refaire ! ». Alors pourquoi est-ce différent dans ce cadre cinématographique précis ?
Les raisons physiologiques
La première raison est à chercher du côté de nos hormones. Ces dernièrse sont sécrétées par une partie du cerveau : l’amygdale. Moi je pensais que ce truc était situé au fond de la glotte, mais ça ce sont les amygdales pharyngées, tandis que l’autre est l’amygdale cérébrale. Complètement débile de donner le même nom à 2 trucs complètement différents… Bref, cette amygdale-ci analyse ce qu’il se passe autour de nous et balance les hormones pour qu’on puisse y réagir de façon appropriée. C’est pourquoi, en nous présentant des situations de danger, de tension, de torture et autres, un film d’horreur déclenche les mêmes signaux qu’une situation réelle (oui, nous n’avons pas encore une amygdale cérébrale 2.0 capable de faire la différence) : augmentation du rythme cardiaque et de la respiration, transpiration, jusqu’aux vomissements pour les fragiles. Sans rancune.
Heureusement pour nous, sinon personne ne pourrait regarder le moindre film de ce genre, toutes ces réactions parfaitement incontrôlables sont contrebalancées par le sentiment de sécurité lié au cadre. Normalement, le fait de regarder un film en étant vautré comme une loque dans un canapé à 3h de l’après-midi en se goinfrant de chips peut être considéré comme un environnement apaisant. A l’inverse, se taper Conjuring 2 de nuit en étant seul au milieu d’une forêt avec un mec bizarre se tenant debout tout nu derrière nous diminue ce sentiment de sécurité et rend l’expérience de visionnage absolument terrifiante, voire traumatisante. En effet, dans cet exemple, la peur ressentie pendant la diffusion se transformerait en anxiété : une crainte qui s’étale dans le temps qui nous fait avoir peur de la possibilité qu’une chose se passe. Autrement dit, l’expérience « film d’horreur » dépend en grande partie du contexte dans lequel elle se déroule car cela joue énormément sur le caractère réel qu’on lui attribue.
En version courte : voir un film d’horreur déclenche une réaction chimique identique à celle d’une peur réelle, tout en étant modérée par le côté rassurant du cadre. On a peur, mais on sait que c’est bidon.
D’ailleurs, le cinéma horrifique cible majoritairement les ados et jeunes adultes parce que ces catégories d’âges sont celles où la production d’hormones est la plus forte. Maintenant, rien ne vous empêche d’en montrer un à votre arrière-grand-père en vue de toucher un héritage particulièrement intéressant… à vous de voir, mais je ne pourrai pas être tenu responsable.
Bon, je n’ai rien contre les réactions hormonales, mais, personnellement, je n’ai jamais eu réellement peur devant un film et j’ai pourtant continué d’en regarder à la pelle. Complot ? Cette transition nous permet d’aborder la deuxième raison qui pousse les gens à apprécier le cinéma d’horreur : la catharsis.
Les raisons cathartiques (=ça défoule !)
On entend par catharsis, ou effet cathartique, la possibilité de se libérer de ses tracas et de nous faire nous sentir mieux. La semaine de travail s’est transformée en enfer à cause de la sale glandeuse de Pénélope qui passe son temps à se curer le pif → plutôt que de faire 1h30 de badminton on regarde The Grudge 2. Pas sûr que l’on soit gagnant au change, mais au moins on se concentre sur le film – avec celui-là ça risque d’être délicat mais vous comprenez le principe – qui fait office de décharge à mauvaises humeurs. La colère et la fatigue accumulées récemment dans la vie réelle s’est transformée en colère et en fatigue à l’encontre de ces incompétents de scénaristes de The Grudge qui passent sûrement le temps à se curer le pif… Vive le cinéma !
Plus sérieusement, je tiens à préciser que je ne suis pas tout à fait convaincu par cet argument. Pourquoi un film d’horreur nous défoulerait mieux qu’une comédie ou un film de guerre ? A mon avis… c’est bidon ! Par contre, je pense que le point suivant soulève quelque chose d’intéressant.
Les raisons transgressives
Un peu comme certains hentaïs constituent un moyen pour les détraqués sexuels d’évacuer, et j’insiste sur ce mot, leurs pulsions (un point abordé ici), les films d’horreur représenteraient pour les Hommes une façon d’assouvir des fantasmes interdits par la loi.
Vous avez toujours rêvé de vous défendre contre des enfoirés de cambrioleurs en leur mettant tarot ? Pas de problème, Intruders le fait pour vous, et ça vous fait du bien ! Plutôt que de partir vous-même outrepasser toutes les lois pour vous livrer à quelques actes immoraux, le cinéma (et l’art en général) vous libère de ces désirs en vous les faisant vivre d’une façon relativement réaliste.
Pour le dire de manière un peu classe, la subversivité du cinéma horrifique nous offre une transgression des lois apte à nous libérer de nos pulsions. Ça ou acheter un animal de compagnie.
Et selon moi…
Si ces théories me semblent plus ou moins valides, ce que je pense correspond en fait à une vision plus globale. Que vous soyez un indigène vivant au fin fond de l’Amazonie ou un milliardaire qatari, le rôle de l’art demeure identique.
Quelle que soit sa forme (danse, chant, picturale…), l’art est aimé pour sa capacité à nous faire ressentir des émotions, non ? On écoute en boucle cette musique alors qu’elle nous fait pleurer ; On reste 3h planté comme un radis devant cette peinture alors qu’il ne s’agit que d’un bout de toile coloré ; On est bouleversé par cet animé alors qu’il ne s’agit que de dessins… En somme, l’art n’a pas besoin de raison, et c’est exactement la même chose pour les films d’horreur. Certes, un film peut être considéré comme un chef-d’œuvre parce qu’une fois analysé par des spécialistes il apparaît que tel plan montre ça alors qu’en fait le personnage dit ci et du coup ça signifie que bla bla bla... Mais la réalité est tout autre : l’art, ça part du cœur, et ensuite ça monte au cerveau. En résumé, nous aimons ce qui nous fait sentir vivant, ce qui nous fait vibrer, peu importe de quoi il s'agit. La preuve : je suis le premier à me dire « Bordel, c’est magnifique… » devant une musique dont je ne comprends absolument pas les paroles.
Dans le cadre du cinéma horrifique, je pense qu’il s’agit d’un même processus mais avec des émotions différentes, et en particulier avec la peur. Déjà, c’est pas tous les jours qu’on tremblote devant une situation dangereuse, donc le fait de n’y être confronté que de manière sporadique la rend d'autant plus attirante. Et puis, quoi de plus fort que la peur ? Je vous laisse trancher vous-même la question de déterminer qui est la plus puissante entre la peur et l’amour, mais je ne connais, pour ma part, aucune dictature pluriséculaire dirigée par des bisounours. Enfin, regardez donc un bon film d’horreur avec 1 pote ou 2, et vous verrez que, peu importe la qualité du film, vous serez à fond dedans !
Vivre une expérience émotionnelle originale et partagée, ça donne envie d’une seule chose : en vivre une autre !
"L'art ça s'explique pas, ça se ressent" - Moi