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Pourquoi beaucoup de personnes détestent les animés ?

6 novembre 2022

Quand il s’agit d’animés japonais, la France (et non pas le monde) se divise en 2 catégories : ceux qui les adorent et en consomment (très) souvent, et les autres, qui considèrent qu’il s’agit de bouses infâmes qui ne valent même pas la peine qu’on y prête attention. L’entredeux ? Exist’pas. Si elle semble curieuse en première approche, cette oscillation de la japanimation vient en fait de la façon dont elle fut importée, il y a de cela 50 ans.


 

1978 : les petits nenfants français découvrent la japanimation


Remettons-nous dans le contexte des années 1970. La télé continue de se populariser partout en France, offrant un marché toujours plus important aux quelques chaînes existantes (le nombre exact est 3, mais ça fait pathétique alors je voulais pas le dire). Parmi les cibles de ce nouveau terrain de jeu marketing : les enfants. Eux qui n’avaient aucune émission qui leur était spécifiquement destinée jusque-là voient Antenne 2 changer ça en 1978 en lançant Récré A2. Place aux dessins animés !


Le hic, c’est que l’Occident ne produit pas beaucoup de dessins animés à cette époque, et ceux produits coûtent la peau. Allez, pas grave, direction le Japon et let’s go : on achète plus ou moins tout ce qui passe pendant plusieurs années sans se préoccuper du contenu, sans s’interroger sur les règles du marché japonais ou d’autres détails qui auraient mérité qu’on s’y attarde, mais au moins c’est pas cher. Et voilà que le premier épisode de japanimation est retransmis le 3 juillet 1978 en la personne de Goldorak, le gars en combi moule-zob aux couleurs du Racing Club de Lens.


Gif Goldorak
Bijour, jé soui Goldorak (désolé je sais pas pourquoi)

Bilan : les chaînes télé sont contentes parce que tous les gamins en France sont scotchés devant leurs émissions, les gamins sont contents parce qu’ils ont des émissions juste pour eux avec de la baston, tout va bien.


 

Puis la France vit jau… rouge


Donc pour faire simple, pendant les premiers mois, japanimation = carton plein. Sauf que, à vouloir acheter tout et n’importe quoi au kilomètre pour économiser, les chaînes françaises ont fait montre d’une stupidité remarquable.


En effet, de la même manière qu’on ne montre pas certains films à un public non averti (et je sais de quoi je parle), une bonne partie des animés japonais ne convient pas à des enfants de 12, 9 ou même 6 ans. A cette époque, qui n’est malheureusement pas tout à fait révolue, on associe immédiatement « dessins animés » à « truc plus ou moins stupide qui sert à occuper les gosses », sans penser un seul instant qu’un dessin animé peut être sérieux, vulgaire voire violent. Ça s’appelle la catégorisation d’un marché, en l’occurrence celui de la japanimation, une notion qui semble hors de portée des responsables de la prog des années 70 et 80.


Mais bon, au moins c’était pas cher.


Mais au moins c'est pas cher
Aphorisme de la pensée des responsables des émissions jeunesse

Ainsi, à partir du moment où les parents constatent que leur progéniture, âgée de quelques années seulement pour certains, regarde des scènes de type « tête de monsieur qui explose », ça ne passe pas… Mais alors pas du tout.


Ça crie au scandale dans plus ou moins toutes les directions en demandant de dégager des ondes ces œuvres qualifiées globalement de merdiques. Eh oui, car en plus de cibler les mauvaises cibles marketing, ces génies ont modifié à l’arrache tous les animés importés : doublages improvisés, suppressions de scènes, francisations des noms propres, remplacements des génériques… En somme, ils ont bien foiré comme il faut. Mais bon, au moins c’était pas cher.


Grâce à toutes ces brillantes idées, combinées à une ignorance généralisée du monde des animés japonais (bah oui, avant 1978 on n’en avait jamais entendu parler), ces derniers se font dé-glin-guer par une bonne partie de la population française. Ajoutons à cela diverses pressions économiques à droite à gauche, une récupération politique bien sentie, et nous arrivons à la mort de la japanimation en France avec le décret n°90-66 du 17 janvier 1990 qui, pour faire simple, limite grandement le temps de diffusion autorisé des œuvres étrangères.


Hop, RIP le Japon, les bons animés, Dorothée, sa clique et même RIP la chaîne La Cinq. Au moins, c’était pas cher ?


Club Dorothée
Fin du Club Dorothée, une émission de bon goût

 

C’est un triste bilan de notre situation…


Malgré ce regrettable épisode de l’Histoire de France, la situation s’est peu à peu améliorée grâce, notamment, à la combinaison avènement d’internet/développement des communautés amateures pour permettre au genre de survivre péniblement jusqu’au début des années 2000, date à laquelle il a pu reprendre du poil de la grosse bê-bête. Quand bien même les animés japonais jouissent aujourd’hui d’une bien meilleure réputation avec des records de visionnage battus chaque année (pareil du côté des mangas), nombreux sont les individus issus des détracteurs du genre à avoir survécu. C’est pourquoi une bonne partie des personnes ayant grandi dans les années 70/80 détestent toujours autant l’animation japonaise. La magie de l’éducation permet ensuite de transmettre cette aversion injustifiée à leurs enfants.


Notez que je parle en connaissance de cause puisque mes géniteurs ont bien insisté sur le caractère diarrhéïque de la japanimation, avant que les Vaisseaux Cosmiques de la Vierge Marie de la 5ème dimension ne m’ouvrent les yeux. Enfin bref, tout ça pour dire que… bordel, c’était vraiment pas cher !


 

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