Pourquoi Puella Magi Madoka Magica est un chef-d'œuvre ?
17 juillet 2022
J’ai fait mes premiers pas avec les animés en juillet 2019 avec Monster Musume. Bon, y a moyen que la japanimation me plaise finalement, me dis-je. J’enchaîne, sans le savoir, avec une référence récente mais déjà culte : Puella Magi Madoka Magica. Episode 1 = coup de foudre. Je bouffe tout l’animé d’une traite en faisant nuit blanche et le constat s’impose très vite à mon moi d’alors : cette série est un véritable chef-d’œuvre. Aujourd’hui, n’en déplaise aux rageux, elle trône en haut de mes œuvres de fiction favorites, toutes catégories confondues. Pourquoi ? Comment ? Qui dont-je ? On va voir ça.

Sommaire
La déconstruction du genre Magical Girl
Dans notre esprit, « Magical Girl » rime avec « filles de 12 ans multicolores qui font joujou avec des baguettes magiques et des monstres » (en tout bien tout honneur) le tout destiné à un public de gamines de 8 ans. Ici, tous les codes traditionnels des magical girl sont repris et… complètement détournés. Dans Puella Magi Madoka Magica, tout y est : les couleurs smarties, la petite mascotte qui donne des pouvoirs, les petites filles… A ceci près que la finalité des éléments passe dans un registre complètement opposé pour proposer une œuvre sombre et même tragique au possible. On parle au cinéma de « déconstruction » car les codes d’un genre sont repris, déconstruits et utilisés autrement.
Si PMMM (ça sera plus simple) fait aujourd’hui partie des références japonaises au niveau des animés, il y a une bonne raison. Déjà, avant même de s’intéresser en détails au contenu de la série, on prend le spectateur pour une grosse endive.
Visionnez la bande-annonce : des collégiennes toutes kawai, des couleurs partout, une famille aimante, des sourires sur fond de musique guillerette. Bon, très bien. Passez à l’opening : une petite fille rose bonbon qui court à droite à gauche avec ses amies susmentionnées et qui se retrouve dans des situations qui semblent un peu rigodrôles. Maintenant l’épisode 1 : même schéma avec des camarades de classe s’amusant insouciamment en récré et s’ennuyant fermement en cours mais bon, leur vie est somme toute assez belle et tranquille. Au cours du même épisode, elles accueillent la nouvelle arrivée de leur classe et là on entre rapidement dans le vif du sujet. Habituellement, les animés de ce genre montrent les efforts des enfants/jeunes pour intégrer tout le monde sans laisser personne sur le banc. Là non. Jalousie, méfiance, menaces, avertissements… Let’s go la série démarre !
A partir de là tous les codes y passent. La traditionnelle entre-aide entre magical girls se transforme en une lutte territoriale avec des combats à mort, les fameuses erreurs compensées par les camarades se payent cash, les tendres et innocents rêves qui finissent par se réaliser sont remplacés par des vœux tragiques etc. Savourez toute la mignonnerie de la bande-annonce, parce que la série va vous la fourrer où je pense !

L’ambiance et le scénario dark
Le schéma scénaristique des Magical Girls est respecté : 2 filles cherchent à devenir de petites sorcières mignonnes. Nan je déconne ! Cette fois il y a une petite nuance qu’on ne retrouve pas dans les classiques du genre puisque leur transformation à un coût plutôt élevé : leur vie. En choisissant le chemin des Puella Magi, elles acceptent de séparer leur esprit de leur corps pour finir inéluctablement par endosser le rôle des monstres qu’elles jurent de combattre avant de décéder. En fait l’animé fait surtout un clin d’œil au passage de l’enfant à l’âge adulte irl, avec certaines personnes qui en ont peur, et d’autres qui doivent faire des choix qui leur semblent compliqués.
Ainsi, c’est peu dire de préciser qu’il faut bien peser le pour et le contre : un vœu cadeau exaucé contre une courte de vie de merde… Hmmm, choix cornélien… Mais au moins, ça permet de distiller une ambiance bien chargée en réflexions et questionnements. Jusqu’où sommes-nous prêts à nous sacrifier pour quelqu’un ? Cela vaut-il même le coup ? Le bonheur a-t-il un prix ? Bon, ok ça fait un peu cours chiant de philo, mais là honnêtement ça passe tout seul parce que les questions sont traitées indirectement. En tout cas on reste constamment dans cette idée de doute pas très gai avec une bonne couche de tristesse amenée par la mort des personnages.
J’appelle à la barre Mami, la Puella Magi qui fait office de grande sœur qui semble maîtriser les ficelles → décapitée par un monstre. Vient ensuite Kyoko, celle qui choisit contre son gré de venir en aide à Sayaka → tuée par Sayaka. Quid de Sayaka → devient folle avant de se transformer en monstre et de mourir. En plus de ça, les scènes de flashback du chapitre Akemi Homura nous offre aussi de magnifiques moments d’amour et de tendresse durant lesquels les amies Puella Magi meurent toutes sans exception, sont amenées à s’exécuter ou même s’entretuent par jalousie, vengeance ou désespoir. Yay !
L’évolution des personnages

Nous arrivons maintenant au point le plus important de PMMM : les personnages. Nous en suivons principalement 6 : Madoka, Akemi, Sayaka, Kyoko, Mami et Kyubey, avec Madoka et Akemi en principaux. Le premier point positif, c’est qu’ils sont tous un minimum complexes/intéressants/particuliers, ce qui constitue déjà un sacré exploit. Si l’on met Kyubey le petit chat bizarre de côté, il nous reste 5 Puella Magi avec un point commun : ce sont des galériennes qui prennent taro. Madoka voit les autres filles en prendre plein la mouille sans pouvoir rien y faire, Akemi revit les mêmes semaines traumatiques en boucle, la faiblesse de Sayaka lui coûte son bonheur puis sa vie, Kyoko passe sa vie seule et finit par mourir à cause de Sayaka et Mami a des gros seins (?) et se fait décapiter proprement.
Au-delà de ce que ces points, relativement négatifs on peut le dire, supposent, PMMM propose une véritable évolution de tous ses persos (sauf Kyubey, qui veut toujours faire différemment ce con). Voici un petit tour rapide de ce qu’il se fait de meilleur. Madoka : si tout le monde sera d’accord pour la qualifier de 5ème roue du carrosse (ou grosse glandue qui passe son temps à se curer le pif), elle finit par passer par-dessus, non pas la 3ème corde, mais sa peur d’être inutile et faible pour devenir… une déesse qui réécrit les lois de l’Univers. Rien que ça. Akemi : meilleur personnage ever. Elle pète le style pendant 10 épisodes avec des apparitions qui claquent, des phrases énigmatiques qu'on pige pas toujours mais qui semblent censées, des pouvoirs classes… Puis on en apprend un peu plus sur elle et là, c’est le drame. Initialement grande méchante dans l’esprit du pauvre spectateur manipulé, Akemi représente le pathos à son paroxysme. Nous découvrons une fille à bout de force, seule, dont la lutte pour sauver celle qu’elle aime n’a aucune autre issue que sa propre mort ou la destruction du monde ou la perte définitive de cette même personne (ordre aléatoire et non contractuel). Kyoko : le personnage le plus égoïste de la série, qui ne pense à rien à part son propre intérêt (et manger, étrangement). Elle passe son temps à expliquer à Sayaka qu’elle doit arrêter de vouloir aider les autres parce que ça ne sert à rien, parfois en essayant de la mettre à mort. Mais comme la vie est parfois cocasse, à force de tout faire pour la convaincre de son idéologie, Kyoko se surprend elle-même à s’occuper du bonheur de Sayaka. Bilan : elle se fait tuer bien proprement… par Sayaka. Kyubey : parlons-en rapidement. Vous voyez la peluche rigolote des Magical Girls qui donne habituellement les pouvoirs aux fifilles ? Ici il cherche simplement à les éliminer. Alors, oui, de base on dirait qu’il fait ça pour aider le bon peuple (et c’est pas tout à fait faux), sauf qu’il s’en bat la race de condamner des milliers de gamines… Plus d’explications dans la partie philosophie.
Les scènes d'action
Allez, quelques scènes d’actions plutôt badass pour marquer le coup ! Bah ouais, si le bouzin était constitué que de dialogues ça serait la lose, du coup je pense à 3 moments en particulier bien classes qui font plaisir :
Mami VS Akemi : ça se passe dans le film Rébellion, et franchement c’est l’un des meilleurs combats d’animés ever. Rien à redire. Si jamais vous voulez y jeter un œil, c'est par là.
Kyoko VS Sayaka : la petite mise au point dégénère en combat à mort à coup de lance et d’épée dans une ruelle sombre de la ville. Vous avez dit pour enfants ?
Nuit de Walpurgis : Akemi s’équipe d’environ 300 lance-roquettes, 30 chars, 12 000 mines et je sais plus trop quoi pour essayer de venir à bout d’un seul ennemi. Ça part dans tous les sens, et ça c’est KOULE.
Philosophie(S)
L’un des points positifs avec PMMM, c’est que si jamais vous êtes en terminal et qu’il vous faut un peu de biscuit pour l’épreuve de philo, vous avez de quoi faire. Tout au long de la série on ne trouve pas moins d’une dizaine de courants philosophiques abordés à travers l’histoire des personnages. Je suis convaincu que le fait de proposer toutes ces pistes et ces oppositions de pensées joue pour beaucoup dans la qualité de l’animé. D’ordinaire un film ou une série parle rapidement d’un ou deux concepts du genre passion VS raison, quelle originalité ! Là non, on fait les choses bien.
Je ne vais pas reprendre toutes les notions plus ou moins mentionnées, mais voici les 3 qui me semblent les plus intéressantes.
L’utilitarisme
Avec Jeremy Bentham en chef de file, l’utilitarisme s’est surtout développé au XIXème siècle sous le crédo « plus grand bonheur du plus grand monde ». Concrètement, le but pour un groupe est d’accéder à la plus grande quantité de bonheur globale au détriment des individus. Par exemple, on ferait le choix de 100 unités de bonheur pour 50% de la population plutôt que 90 unités de bonheur pour 60 % de la population.

Dans le cadre de PMMM, c’est Kyubey qui est le grand adepte de cette idéologie. Celui-ci a un but : sauver le plus d’individus possible dans l’univers (on nous dit qu’il y a une infinité d’autres formes de vies sur d’autres planètes et galaxies). Pour ce faire, il a besoin de l’énergie libérer par les Puella Magi à leur mort, soit, mais par extension il a besoin de créer ces Puella Magi, de la même manière qu’on fait de l’élevage de bétail pour s’en repaître allègrement. Du point de vue de Kyubey, c’est gagnant/gagnant pour tout le monde : les filles exaucent un vœu de leur choix, combattent les fléaux sur Terre donc sauvent des gens et leur mort permet d'aider l’univers, todo bei non ? Le hic : faut-il être prêt à sacrifier des individus pour plaisir de tous ? Vous avez 4h.
Pragmatisme et machiavélisme
Le pragmatisme vient surtout de Williams James (XIXème) et explique que les idées n’importent pas, au contraire des résultats concrets qu’elles amènent. En gros, peu importe comment vous envisagez une action, on ne considère que les faits. Dons si 2 idées différentes ont les mêmes conséquences, alors elles sont égales. Si 2 idées similaires ont des conséquences différentes, alors elles sont différentes.
Du côté du machiavélisme, théorisé par, attention spoil, Machiavel (XVI/XVIIème), l’important est d’atteindre ses objectifs, peu importe comment. Le bien, le mal, la morale… tout ça on s’en fout ! On considère que les gens sont tous des enfoirés à différents degrés, alors pourquoi pas nous ? Si nous avons besoin d’être vertueux pour accomplir notre but, soyons vertueux, en revanche si faut être un gros connard, pas de problème non plus. Efficacité italienne.
Dans le cas de notre animé, ça revient à dire que les personnages, notamment Kyoko et Sayaka, auraient dû être égoïstes pour accéder au bonheur. Sayaka a choisi comme vœu le rétablissement de Kyosuke (son amoureux gravement malade) pour espérer sortir avec lui. Erreur ! Elle a fait ce choix par bonne conscience vu qu’elle estimait que souhaiter directement qu’il tombe amoureux d’elle n’aurait pas été moral. Conclusion : ne nous encombrons pas de la soi-disant droiture morale pour avoir ce que l’on désire.
Darwinisme social
Dernier point avec le darwinisme social qui nous vient d’Herbert Spencer au XIXème. L’idée est que la compétition entre les Hommes est indispensable car il s’agit d’un puissant moteur d’évolution et d’amélioration. En gros, on pourrait dire que c’est la sélection naturelle mais appliquée à nos sociétés humaines. Un exemple : 2 boulangeries se situent l’une à côté de l’autre. Pour survivre, elles vont devoir se sortir les doigts pour proposer un produit plus qualitatif qu’à côté. Concrètement, la compétition implique de travailler plus et mieux afin de faire des meilleurs pains au meilleur prix etc. Donc gue-guerre = progrès.
Et ben c’est exactement la même chose avec les Puella Magi. Plutôt que l’habituelle entre-aide, PMMM propose un concept d’adversité et même de territorialité. Ainsi, pour espérer garder son territoire et donc survivre (car les filles ont besoin de tuer les monstres pour pouvoir continuer à vivre), il est indispensable d’être la plus efficace possible pour garder son terrain de chasse, quitte à éliminer d’autres Puella Magi. C’est la loi du plus fort ma p’tite dame. Et en passant ça arrange bien Kyubey le fait qu’elles se trucident entre elles.
La bande originale
Alors, soyons d’accord sur un point : j’y connais croûte en musique. Je propose donc un rapide ressenti de la bande-originale de l’animé qui est, à mon sens, tout simplement exceptionnelle. Avec Yuki Kajiura à la baguette (qui est intervenue également sur Sword Art Online), nous avons le droit à des morceaux courts (moins de 2 minutes souvent) mais qui font mouche. Chacun d’eux transmet une émotion en particulier à l’aide de chœurs, de violon ou encore de guitare électrique pour un mélange de saveurs pas piqué des hannetons.
Je suis un homme clément alors voici quelques titres (entendez les meilleurs) avec le sentiment particulier qui est, à mon sens, associé :
Signum Malum – questionnement/doute
Credens Justitiam – sauvetage
Conturbatio – difficulté
Numquam Vincar – lutte sempiternelle
Puella in Somnio – désespoir (mon préféré)
Inevitabilis – fatalité
Sis Puella Magica! – le thème principal qui reprend l’atmosphère générale.
Et puis les noms en latin ça claque.
Il reste pleeeeeiiiiiiinnnnn d’autres trucs à dire sur l’analyse, les diverses références et de manière plus élaborée que ce que j’ai fait, mais déjà je ne suis pas compétent pour ça et puis le mystère c’est sympa aussi. Et puis abusez pas non plus, on a déjà fait un bon petit tour !